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Quatre iris

Le magicien

Fernando Sorrentino
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Pour mon anniversaire, maman m’a demandé si je voulais que ce soit un clown ou un magicien qui vienne. Les clowns me semblent stupides, et c’est ainsi que j’ai choisi le magicien.

Celui-ci s’avéra être un homme maigre et pâle, mais avec quelques détails noirs: les cheveux, la petite moustache, le smoking, le petit nœud papillon et sa valise merveilleuse.

Il salua d’un geste désuet et gentil, et nous, les enfants, nous commençâmes à crier:

—Le ma-gi-cien, le ma-gi-cien, le ma-gi-cien, le ma-gi-cien!

Le magicien sourit, flatté, et réalisa divers tours —que j’avais déjà vu faire par d’autres magiciens—, comme, par exemple, faire sept ou huit foulards à partir d’un seul, ou faire sortir d’un chapeau haut de forme une colombe blanche. De même, avec des cartes que l’on utilise dans les films de cow-boys, il fit un tas de tours que je ne parvins pas à comprendre.

—Ce prestidigitateur est très bon, dit papa à voix basse.

Le magicien, je ne sais pas comment, l’entendit:

—Je vous remercie de votre appréciation, répondit-il. Toutefois je ne suis pas un prestidigitateur mais un magicien.

—Bon, répliqua papa avec sa suffisance coutumière. Disons que vous êtes un magicien, et non un prestidigitateur.

—Je vois que vous ne me prenez pas au sérieux. Pour vous convaincre, je vais vous transformer en un animal quelconque. Lequel préférez-vous ?

Papa partit d’un grand rire, qui nous laissa presque sourds, la bouche grande ouverte, comme s’il était un hippopotame. Il sembla lire dans mes pensées parce que, justement, il dit:

—Puisque vous me laissez le choix, transformez-moi en hippopotame. Et pour tous les autres, ce sera les animaux que vous voudrez.

Le magicien fit une brève passe et il bougea les doigts et les bras, et papa se métamorphosa en hippopotame: dans ses yeux sphériques, une petite étincelle de terreur subsista pendant quelques instants.

—Cet hippopotame occupe tout l’appartement, dit le magicien sur un ton réprobateur. Il vaudra mieux que je continue avec des animaux plus petits.

Immédiatement il transforma maman en toucan, profitant, je crois, de ce qu’elle avait un assez grand nez. Puis il transforma ma grand-mère en tortue. Avec mes tantes célibataires, il se distingua: il créa une chouette, un tatou et un phoque, tout cela en respectant le style de chacune d’entre elles. De ma tante mariée, qui était autoritaire, il fit une araignée, et de son époux soumis, une mouche.

Il se montra gentil avec les enfants: il les changea en animaux jolis et sympathiques: petits lapins, écureuils, canaris. Mais Gabriel, qui avait un visage large avec des boutons, il le convertit en crapaud. Lucila, le petit bébé qui n’avait que deux mois, devint un colibri.

Quand il ne resta plus que moi à ne pas être métamorphosé, le magicien posa une main sur mon épaule et il me dit:

—C’est toi qui devras te charger de soigner tous ces animaux. Bien que l’araignée et la mouche, et quelques autres, ils vont se débrouiller tout seuls.

Il rangea tout dans sa valise merveilleuse, et il partit.

Pendant quatre jours, j’essayai d’en prendre soin et de les nourrir, mais je me rendis vite compte que ce travail représentait un effort surhumain. Alors j’appelai par téléphone le Jardin Zoologique; son directeur en personne me remercia et accepta ma donation.

Au début j’allai rendre visite quotidiennement à ma famille et à mes amis, après une fois par semaine et, maintenant, pour être franc, je n’y vais presque jamais.

Traduction: Michel Casana
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Date of publicationJanuary 2005
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