Qui ne connaît le Groupe Financier Insignia, expert en opérations de crédits pour véhicules, machines agricoles et industrielles, et biens meubles complexes, en général?
Je travaillai trois ans dans la succursale du quartier de Parque Patricios, située avenue de Caseros. Suite à ma promotion, l’entreprise me muta à la succursale de la zone de Palermo, avenue de Santa Fe. Comme j’habitais rue Costa Rica, à six cents mètres de là, le changement fut à mon avantage.
Même si le règlement l’interdisait, nous recevions de temps à autres la visite de vendeurs ou de représentants de certains produits. Les directeurs étaient généralement tolérants et les laissaient passer, si bien que les employés avaient pris l’habitude d’acheter à ces gens-là.
C’est ainsi que je connus Boitus, un type plutôt étrange. Très maigre, à moitié chauve, affublé de vieilles lunettes et de son éternel costume gris, tout râpé et dégoûtant, on aurait dit un personnage échappé d’un film de l’époque du cinéma muet; il prononçait ses «r» comme les «d».
Il vendait à tempérament des encyclopédies et des dictionnaires et, au comptant, d’autres livres moins coûteux. Je devins client de Boitus, car le procédé était pratique: je lui commandais tel livre de tel auteur et quelques jours plus tard Boitus revenait, scrupuleusement, avec le livre en question, et pour le même prix qu’en librairie.
Je ne fus pas long à m’apercevoir que si Boitus était extravagant dans sa mise, il ne l’était pas moins dans ses façons d’agir et parler. Il employait un lexique qui lui était propre et spécifique: pour se référer à Juan Pérez, le président de la nation, il disait l’administrateur Machin Chouette; il ne marchait pas dans la rue mais sur la voie publique; il ne voyageait pas en bus, en métro ou en train, mais utilisait le système de transports publics pour passagers. Jamais il ne disait «je ne sais pas»: toujours, J’ignore.
Une conversation, un jour, me laissa abasourdi. De mon bureau, alors que je travaillais aux détails d’une affaire, j’entendis Lucy, une des plus anciennes employées et à deux doigts de la retraite, lui demander:
—Dites, Boitus, vous n’avez jamais songé à vous marier?
Je levai les yeux, porté par la curiosité, et regardai Boitus. Celui-ci esquissa un sourire compréhensif et, si l’on veut, indulgent.
—Voyons, mademoiselle Lucy, l’explication à votre question est bien simple —il fit une pause, ménageant ses effets. Je ne peux pas me marier pour trois raisons: premièrement, mes conditions économiques ne me le permettent pas; deuxièmement, je n’en ai pas les moyens; troisièmement, je n’ai pas d’argent.
La réponse de Boitus et, surtout, le visage stupéfait de Lucy me provoquèrent un fou rire que je dissimulai au mieux. «Eh bien», pensai-je, «ce Boitus est un sacré petit rigolo.»
Le fait est que je m’habituai aux visites périodiques de Boitus, pendant lesquelles, tout en réalisant l’achat des livres, je m’amusai de ses excentricités, de ses paradoxes, de ses raisonnements et de ses sottises.
Il se présentait avec une serviette en cuir marron, si usée qu’elle était devenue grisâtre. Dedans, il rangeait les factures, les reçus, les brochures des encyclopédies, les cartes de visite..., enfin, différents papiers d’ordre commercial qu’il appelait, de façon générique et allez savoir pourquoi, les pièces à conviction. Mais, outre la serviette, il était toujours chargé de cinq ou six paquets: des boîtes en carton ondulé ou des caisses en carton rigide contenant les publications commandées.
Vint le jour où le directeur de la succursale, monsieur Gatti, débonnaire et compréhensif, fut promu et muté à la maison mère. Son remplaçant, monsieur Linares, n’avait rien d’un mauvais bougre, mais c’était un homme au langage baroque, amateur des circonlocutions et fanatique des normes et des règlements: sitôt en place, il fit appliquer la loi qui n’était pas respectée et depuis lors, ni Boitus ni les autres vendeurs ne purent franchir le seuil de la succursale Palermo du Groupe Financier Insignia.
Ce léger handicap fut vite résolu: nous échangeâmes, Boitus et moi, nos numéros de téléphone, de sorte que mes achats et ses ventes purent continuer, à cela près désormais, qu’au lieu de me remettre les livres au bureau, Boitus me les livrait à la maison.
Un beau jour, je m’avisai que ça faisait un an que je travaillais à la succursale Palermo, qu’il y avait donc également un an que je connaissais Boitus et qu’à intervalles plus ou moins réguliers je lui achetais des livres. Pas une seule fois il ne se qualifia lui-même de «vendeur de livres»: il disait être un diffuseur de culture.
En effet, le diffuseur de culture se pointait chez moi, tout empêtré de sa serviette délabrée, de ses paquets et de ses boîtes en carton, il me remettait mes livres, dévidait ses habituels chapelets de sophismes ahurissants, puis au bout d’une quinzaine de minutes, il repartait.
Je me rappelle très bien sa dernière visite; Boitus avait alors débité un monologue singulièrement long et saugrenu, illustré d’une étrange taxinomie de son invention. Selon son schéma, le café était une potion, le thé une infusion et le maté bouilli un breuvage; cependant, je ne pus obtenir de lui l’explication d’une telle classification.
Chose bizarre, ses arguments qui, au départ, m’avaient amusé, brusquement m’irritèrent, sans doute à cause de la répulsion viscérale que provoque en moi ce qui est irrationnel et erroné. Et si je dissimulai au mieux mon agacement, je me réjouis pourtant lorsque sonna, enfin, pour Boitus l’heure de repartir, avec sa serviette abîmée et ses caisses et ses paquets.
Comme la porte d’en bas était fermée à clé en permanence, je dus l’accompagner afin qu’il puisse sortir de l’immeuble. De retour chez moi, je m’aperçus que Boitus avait oublié sur une chaise un de ses paquets.
C’était une boîte en carton, ronde, assez semblable à celles qui servaient à ranger les chapeaux pour homme. Deux galons verts accrochés à la lisière, maintenant retombés sur le côté, devaient servir à en faciliter le transport.
Je soulevai le couvercle et, même s’il ne pouvait être rentré chez lui, je téléphonai immédiatement à Boitus pour lui signaler son oubli. Au bout de cinq sonneries, le répondeur automatique se déclencha: je laissai un message dont le ton, courtois quoique péremptoire, ne trompait pas.
Ce soir-là, Boitus ne me rappela pas. Le lendemain non plus. Je lui retéléphonai et lui laissai des messages sur le répondeur plusieurs jours de suite et à des heures différentes.
Lorsque je l’appelai une semaine plus tard, le téléphone sonna je ne sais combien de fois, mais je n’obtins ni Boitus ni son répondeur. «Il doit être déconnecté», pensai-je.
Quelques heures plus tard, une voix féminine répondit à mes appels. Elle récitait: «Télécom vous informe qu’il n’y a pas d’abonné au numéro que vous avez demandé». Ensuite, le disque du numéro de Boitus fit place au silence le plus absolu, comme si son numéro ou l’appareil n’existaient plus.
Lorsque je commentai cette histoire au travail, Rossi, dont le bureau touchait le mien, me proposa de passer chez moi.
—À moins que ça ne t’ennuie.
—Au contraire, répondis-je, je te remercie de ton aide.
C’est ainsi qu’à la fin de la journée de travail, Rossi vint, pour la première et la dernière fois, à mon appartement. En ouvrant la boîte, il esquissa un geste de contrariété.
—Diable! dit-il. L’affaire semble délicate.
—Effectivement: je t’avais prévenu.
Puis, Rossi perdit tout intérêt pour la boîte et jeta un regard distrait autour de lui. Il lui suffit de quelques secondes pour me taper sur les nerfs. Curieux comme une fouine, il se mit à visiter l’appartement et à lancer, sans y être invité, ses critiques et ses suggestions, du genre: «Là, tu devrais coller une glace» ou «Tu n’as pas mis de bourrelets aux portes? On dirait qu’il y a des courants d’air.»
Il s’arrêta devant le portrait de Cecilia Capelli, le garda en main un instant, le changea légèrement de place, puis il commenta:
—C’est ta fiancée? Un beau brin de fille, félicitations.
Je me dis qu’il aurait pu garder pour lui ses commentaires et ses félicitations: mes amours avec Cecilia s’étaient déjà passablement étiolées et j’avais été tenté plusieurs fois de retirer ce portrait, car sa seule présence me troublait.
Il examina ensuite la bibliothèque et il en profita pour me demander de lui prêter une Histoire du football argentin. J’ai horreur de prêter des livres (et de les emprunter aussi), mais puisqu’il avait eu la gentillesse de venir à la maison pour m’aider, je n’osai pas le lui refuser.
Rossi était une vraie fouine, je l’ai affirmé. Quelques jours plus tard, je découvris qu’il aimait aussi à bavarder plus qu’il ne sied. En effet, le vendredi, monsieur Linares me convoqua dans son bureau. J’entrai et il referma la porte derrière moi. Par l’interphone, il ordonna:
—Flavia, ne me passez aucun appel jusqu’à nouvel ordre, s’il vous plaît.
Il m’invita à m’asseoir face à son bureau et, dans un sourire qui se voulait cordial mais qui était tendu, il me dit:
—Ce n’est pas que j’aime à me mêler de la vie des autres, mon cher Sainz, mais, en fin de compte, vous êtes un jeune homme de vingt-huit ans, relativement nouveau dans la compagnie, et puisque moi...
«Voilà qu’il va m’égarer dans le dédale de sa prose sinueuse.»
—... je suis un homme d’un certain âge, plein d’expérience et, qui plus est, votre patron, une sorte de père dans l’entreprise, en somme, j’ai une espèce de... comment dirais-je?... d’obligation morale à vous venir en aide. N’est-ce pas?
Comme Linares attendait une réponse, je hochai immédiatement la tête, mû par le désir de le voir terminer son speech au plus vite.
—De sorte que, poursuivit-il, si vous n’y voyez pas d’inconvénients, demain samedi, comme nous aurons du temps, je ferai un saut chez vous pour voir ce qu’on peut faire...
Je ne pus qu’accepter son offre. Quand je revins à mon bureau, Rossi évita mon regard. Toutefois, quelques instants plus tard, il s’approcha et me glissa à l’oreille:
—Ne va pas croire que je le lui ai raconté. Il le savait déjà: ce n’est pas facile de cacher ces choses-là.
Je me suis demandé comment Rossi pouvait savoir que Linares le savait.
Le samedi, je dus me lever de bonne heure; je ne pouvais pas recevoir monsieur Linares dans ce parfait logement de célibataire, qui n’avait pas été balayé depuis au moins deux semaines. Je dédiai une bonne partie de la matinée à ces tâches odieuses: promener l’aspirateur partout, donner un coup de chiffon sur les meubles, laver la salle de bains et la cuisine... Enfin, sur les coups de onze heures, ma maison était présentable pour accueillir monsieur Linares.
Il n’arriva pas seul, mais en compagnie d’Araujo, le garçon de bureau amateur de jeux de hasard, et d’un monsieur, que je ne connaissais pas, en costume-cravate et qui portait des lunettes.
—Maître Venancio, annonça monsieur Linares pour le présenter, est le greffier, dénommé aussi notaire, qui dressera l’acte. Quant à Araujo, ajouta-t-il d’un ton très affable, il n’a pas besoin de présentation. Qui ne doit une faveur ou une autre à Araujo, hein?
Araujo, vêtu avec son uniforme de garçon de bureau, souria d’un air timide.
—Araujo n’est ici qu’en tant que témoin, pour que Maître Venancio puisse recueillir sa signature sur l’acte.
—Bien, dis-je, d’accord.
Monsieur Linares ouvrit la boîte et, tenant le couvercle dans sa main droite, il en regarda attentivement le contenu; Maître Venancio et Araujo, le garçon de bureau, immédiatement en firent autant.
—Tout est en ordre, Araujo? demanda Linares.
—Oui, monsieur, aucun problème.
Maître Venancio déplia l’acte sur la table de la salle à manger. Il s’agissait de trois feuilles: il signa dans la marge des deux premières, puis au bas de la troisième. Sitôt fait, il indiqua à Araujo de l’imiter; celui-ci signa avec une certaine lenteur: il était clair que la lecture de documents et l’écriture n’étaient pas son fort.
—Dois-je signer? demandai-je.
—Ce n’est pas une obligation, répondit le greffier, mais il n’y a pas d’inconvénients non plus. Je vous laisse le choix.
—Je vais signer, au cas où.
J’en profitai pour lire l’acte et je vis que le contenu concordait strictement avec la vérité. Alors, je signai.
—Et vous, Linares, voudrez-vous signer?
—Non, Maître, cela ne me semble pas indispensable. Ni prudent.
Après avoir échangé quelques propos anodins sur la météo, mes visiteurs prirent congé.
J’avais prévu d’aller au cinéma ce soir-là avec Cecilia. Mais vers six heures, elle m’appela pour annuler la sortie.
—Le problème, c’est mon père, m’expliqua-t-elle. Si on peut appeler ça un problème. Moi, je trouve que ça n’a rien à voir, mais lui si: il craint que, en pleine campagne électorale, ta situation ne lui fasse perdre la mairie.
J’eus envie de l’envoyer au diable, en compagnie de son très digne père, un pauvre type rompu aux intrigues politiques, mais je me bornai à dire:
—C’est bon, d’accord
Et je me dis: «C’est aussi bien, elle commence à me gonfler.»
Je cherchai sur Internet le numéro de téléphone de Boitus et je vis qu’il vivait dans la rue Fraga, dans le quartier de Chacarita. Le dimanche matin je me dirigeai vers la maison en question; je me retrouvai devant une palissade en bois avec un panneau qui annonçait: DÉMOLITION COMPLÈTE ET RÉÉDIFICATION. APPARTEMENTS DEUX ET TROIS PIÈCES.
Excepté quelques événements ponctuels, ma vie reprit son cours normal.
Peu après, j’obtins une nouvelle promotion qui supposait un avantage et un inconvénient. Ce premier consistait en une augmentation de salaire très substantielle: j’en venais à toucher pratiquement le double de ce que je gagnais jusqu’alors (et qui n’était pas peu). L’inconvénient étant que je devrais assumer mes nouvelles fonctions en banlieue, à Béccar, assez loin, il est vrai, de mon domicile de la rue Costa Rica.
Je pesai le pour et le contre, et finalement j’acceptai la mutation, résigné à effectuer le long trajet entre le quartier de Palermo et mon nouveau bureau. L’idéal aurait été d’acheter un logement à Béccar ou à San Isidro, mais pour réunir l’argent nécessaire, il m’aurait fallu vendre obligatoirement l’appartement de la rue Costa Rica.
Sans le vouloir, j’acquis une certaine notoriété et, ma foi, je ne trouvais pas ça désagréable. Je reçus des chroniqueurs et des photographes, tant des journaux La Nación et Clarín que des revues à sensation Caras et Gente: on me fit des reportages et des photos —tantôt souriant, tantôt sévère—, à côté de la boîte ronde. Je fus invité aussi à divers programmes d’informations télévisées auxquels j’assistai, non sans vanité. Et je ne déclinai aucune offre des programmes futiles de ragots et commérages.
L’«illustre» Ignacio Capelli, de toute façon, ne parvint pas à être élu maire de la ville de Tres de Febrero et j’en fus ravi. Comme j’étais déjà en froid avec Cecilia, je trouvai un prétexte pour rompre avec elle quelques jours plus tard.
Par ailleurs, j’avais l’esprit agréablement distrait. J’avais l’habitude en sortant du bureau d’aller goûter dans un café proche de la gare de Béccar. À cette même heure, après les classes, arrivaient les profs de l’école voisine, des petites jeunes bien gentilles qui parlaient très haut et riaient à gorge déployée.
L’une d’elles m’attirait (je savais déjà qu’elle s’appelait Guillermina) et, plus d’une fois, nos regards, le sien très clair, s’étaient croisés d’une table à l’autre. Un jour, je simulai une rencontre fortuite sur le trottoir et je pus engager le premier échange. Je l’accompagnai aussitôt, d’abord en train jusqu’au quartier de Belgrano, puis à pied jusque chez elle à quelques rues de là. Elle avait vingt-cinq ans, s’appelait Guillermina Grotz et vivait encore chez ses parents.
Le fait est que je ne tardai guère à sortir avec elle et à entamer, quelques semaines plus tard, des relations intimes.
Un après-midi, nous étions au lit, dans un hôtel, elle me demanda:
—Ce ne serait pas plus économique si tu m’invitais chez toi?
Étonné, je la regardai dans les yeux:
—Ne me dis pas que tu ne connais pas mon problème?
—Bien sûr que si: tout le monde le sait. Mais je ne pense pas que le problème soit si terrible que ça...
Il y avait une telle générosité dans son sourire que j’en fus ému. Je sentis poindre une larme et la dissimulai.
Le samedi d’après, j’allai avec Guillermina à un cinéma de Belgrano. Puis je l’invitai à dîner dans un restaurant de l’avenue Cabildo:
—Bon, dis-je, maintenant on va chez moi pour terminer la soirée en beauté.
J’allumai la lumière en entrant dans l’appartement, alors Guillermina s’exclama:
—Je vais enfin connaître le mystérieux bunker de monsieur Sainz!
Malgré tout, avant de visiter les autres pièces, elle s’arrêta devant la boîte ronde. Après un moment d’hésitation, elle souleva le couvercle. L’expression de son visage resta impassible, mais elle dit:
—Tu as raison. On ferait mieux de continuer comme avant...
Pour l’obliger à se définir, je lui demandai:
—On va dans la chambre ou tu préfères t’en aller?
—Si ça ne doit pas te vexer, j’aimerais mieux m’en aller.
—Pourquoi veux-tu que ça me vexe? Tu as bien le droit de...
Guillermina vivait rue Cuba, à l’angle de la rue Mendoza. Dehors, je hélai un taxi et je pris congé d’elle.
Mais pas pour toujours. Il n’y avait aucune raison de rompre. Au contraire: ça nous rapprocha un peu plus.
Nous nous mariâmes trois mois plus tard et nous installâmes à San Isidro, dans un tout petit appartement en location, vite bondé des affaires que Guillermina et moi avions rapportées de nos anciennes demeures respectives. Ma table de salle à manger avait quatre chaises assorties, mais je ne pus en emporter que trois à San Isidro.
Au travail, j’eus à supporter quelques questions, aussi naïves qu’évidentes, et plusieurs contretemps bureaucratiques sans importance qui n’empêchèrent pas mon escalade constante.
Encore mieux: je dirais même que, de ce côté, je ne pouvais pas me plaindre. Tout nouveau succès entraînait une nouvelle promotion, ma carrière poursuivait son ascension, hiérarchiquement et financièrement parlant.
Un vendredi après-midi, le meilleur moment de la semaine, on me convoqua à la maison mère. Le directeur général en personne me félicita et m’assura que, sans l’ombre d’un doute, en moins d’un an je serais nommé responsable de la succursale de Mar del Plata:
—Donc, mon cher Sainz, vous auriez intérêt à préparer les choses à temps.
Mar del Plata est un poste en or qui, pourtant, obligera Guillermina à renoncer à son poste d’enseignante et, nous, à changer de domicile tous les deux. Une fois sur place, ma femme n’aura pas de difficulté à trouver du travail dans une autre école.
Guillermina et moi sommes devenus pingres au point de tomber dans l’avarice la plus lamentable: nous voulons réunir assez d’argent pour nous acheter, à Mar del Plata, un appartement relativement spacieux, et je pense qu’on y arrivera. C’est le seul moyen: épargner, épargner et encore épargner, puisque nous ne pouvons pas compter sur l’argent de la vente impossible de mon ancienne maison de la rue Costa Rica, ce bien immobilier pour lequel, soit dit en passant, j’ai résilié tous les contrats de service: électricité, téléphone, gaz, eau... J’ai même arrêté de payer les charges de l’immeuble et les impôts municipaux.
—Ils vont te coller un procès et saisir ton appartement, me commente souvent Guillermina.
Je lui réponds invariablement:
—Mais ils ne risquent pas de trouver d’acquéreur.
—C’est vrai, réplique chaque fois Guillermina, mais ça, ce n’est pas notre problème.
Excelente. El manejo del suspense es tan sutil, que uno no se da cuenta de que lo mantiene en vilo hasta el final. Un maestro, Fernando Sorrentino, y siempre un placer leerlo.
¡Magnífico ejemplo! Fernando ha dejado a merced del lector la resolución del problema. ¡El problema lo resuelve el lector a su antojo! Es un relato de suspenso con la particularidad de que —después del punto final— mantiene el suspenso. Muy bien, Sorrentino...
Estimado Fernando, te confieso con total sinceridad de mi parte, que hace por lo menos 21 años, tiempo en el cual terminé mis estudios secundarios allá en 1985, y merced a la impecable labor de una docente de Literatura que fue la artífice de hacernos leer cuentos (Horacio Quiroga, Borges y otros...) y aprender a apreciar la buena literatura así como antaño, me pasó ahora al leer tu precioso cuento. Un abrazo y a seguir haciéndonos gustar de la buena literatura.
Creo interesante informar que este cuento ha causado un verdadero problema irresuelto entre los habituales lectores de Fernando Sorrentino. Lo he leído muchas veces, y no encuentro manera de imaginar qué hay adentro de la caja maldita de Boitus. En mi caso, lo que no puedo resolver es por qué la caja no puede ser retirada por alguna «fuerza del orden» —policía, jueces— ni institucional de otra índole; verbigracia, científica, para el estudio de su contenido. Y si a nadie le importa retirarla, ya que en ella no hay nada delictivo, nada peligroso para la sociedad —por ejemplo, nada contaminante— , por qué no puede hacerlo el dueño del departamento, sólo tirándola a la basura. Ni nadie. Ya que por eso, porque la caja está ahí, no se hallará comprador.
El problema entonces, para mí, está en la «realidad» total que tienen todos los referentes externos: personas contrariadas por la «situación» de Sainz, como Capelli, el padre de Cecilia, que teme por su candidatura a «capo» de intendencia; personas más solidarias que van al departamento como Rossi, Linares, el escribano que labra el acta, la propia Guillermina; interesados en explotar el caso, como la prensa escrita y la televisión. Pues esa realidad no permite pensar en un estado patológico del protagonista que lo inmovilice (como le ocurre al de otro cuento de Sorrentino, «En espera de una definición», esclavizado por un mosquito).
Y tampoco se resuelve vía Kafka, a todas luces, uno de los maestros de Sorrentino: los referentes externos de K en El proceso, en El castillo, viven en un extrañamiento, en un clima más irreal que el propio K.
Tuve oportunidad de leer un ensayo de Eduardo Dayan sobre «Problema resuelto», en el cual dice: «El bulto tiene la forma de una caja de sombreros. El problema parece estar, entonces, en la cabeza, en su uso, en la organización del pensamiento en palabras, en la forma del poder decir lo que se piensa.»
Es indudable que lo primero que el lector piensa ni bien sabe que «era una caja de cartón, redonda, bastante parecida a las que se usaban para guardar sombreros de hombre», es en una cabeza humana. Pero, conociendo la obra de Sorrentino, también sabe que no «se la hará tan fácil». Es decir, que el cuento no se va a limitar a un hallazgo macabro, como burdo pretexto de una narración policial. Lo cual hace que deseche la suposición, que, por otra parte, el mismo texto se encarga de disipar. De ahí que me parece interesante el salto de Dayan, de la idea de la cabeza como objeto concreto, a la abstracción de las funciones cerebrales que habilitan el lenguaje.
Más allá de ese arranque promisorio, el escrito de Dayan, en mi opinión, se va alejando demasiado de la letra del cuento, para dar paso a reflexiones lingüísticas un tanto complicadas. Pero también debo decir que, en otro fragmento, lo que al principio me pareció una sobrelectura, me dejó pensando. Dayan se remite a nombres de calles y barrios de Buenos mencionados en el cuento, entre los cuales «Caseros» convoca, al menos en el imaginario local, la figura histórica de Rosas. La mención es fugaz y no lleva a conclusiones. Sin embargo, dirige el pensamiento del lector a la evocación de las cabezas cortadas, que es tópica en la literatura argentina.
De modo que, virtualmente, por ambas razones expuestas, se trata, a mi ver, de un enfoque conducente a algo, que es más de lo que puedo decir de mi pobre lectura.
La única duda que no tengo sobre «Problema resuelto» es que se trata de un cuento genial, sin que me provoque ningún pudor usar de ese adjetivo académicamente devaluado. Mi problema irresuelto es, nada menos, no saber señalar en qué reside su genialidad. Sería infantil salirme por la tangente diciendo que en su poder «movilizador»; o usar de ese lenguaje nublado que tanto les gusta a los poetas, hecho de una acumulación de cualidades inasibles; o de ese otro que prefieren los papers, consistente en la aplicación de una teoría determinada —con su insufrible carga terminológica— al texto literario que la tiene que soportar. Me quedo, entonces, apenas en una expresión de entrecasa, en un «como si». Es como si el cuento se hallara más adelante de donde uno está, de donde estamos todos en 2007, incluso el autor. Pues es un hecho que el autor tampoco sabe qué hay adentro de la caja de Boitus. Ahí está lo bueno del asunto. ¿No le parece?
¿Qué se supone que hay adentro de la caja?
Simplemente muy bueno. Gracias por dejarme leerlo.
Besides sending your opinion about this work, you can add a photo (or more than one) to this page in three simple steps:
Find a photo related with this text at Flickr and, there, add the following tag: (machine tag)
To tag photos you must be a member of Flickr (don’t worry, the basic service is free).
Choose photos taken by yourself or from The Commons. You may need special privileges to tag photos if they are not your own. If the photo wasn’t taken by you and it is not from The Commons, please ask permission to the author or check that the license authorizes this use.
Once tagged, check that the new tag is publicly available (it may take some minutes) clicking the following link till your photo is shown: show photos
Even though Badosa.com does not display the identity of the person who added a photo, this action is not anonymous (tags are linked to the user who added them at Flickr). Badosa.com reserves the right to remove inappropriate photos. If you find a photo that does not really illustrate the work or whose license does not allow its use, let us know.
If you added a photo (for example, testing this service) that is not really related with this work, you can remove it deleting the machine tag at Flickr (step 1). Verify that the removal is already public (step 2) and then press the button at step 3 to update this page.
Badosa.com shows 10 photos per work maximum.