Oui, monsieur, je publierai le manuscrit que vous me renvoyez (non que je pense comme vous sur l’utilité dont il peut être; chacun ne s’instruit qu’à ses dépens dans ce monde, et les femmes qui le liront s’imagineront toutes avoir rencontré mieux qu’Adolphe ou valoir mieux qu’Ellénore); mais je le publierai comme une histoire assez vraie de la misère du coeur humain. S’il renferme une leçon instructive, c’est aux hommes que cette leçon s’adresse: il prouve que cet esprit, dont on est si fier, ne sert ni à trouver du bonheur ni à en donner; il prouve que le caractère, la fermeté, la fidélité, la bonté, sont les dons qu’il faut demander au ciel; et je n’appelle pas bonté cette pitié passagère qui ne subjugue point l’impatience, et ne l’empêche pas de rouvrir les blessures qu’un moment de regret avait fermées. La grande question dans la vie, c’est la douleur que l’on cause, et la métaphysique la plus ingénieuse ne justifie pas l’homme qui a déchiré le coeur qui l’aimait. Je hais d’ailleurs cette fatuité d’un esprit qui croit excuser ce qu’il explique; je hais cette vanité qui s’occupe d’elle-même en racontant le mal qu’elle a fait, qui a la prétention de se faire plaindre en se décrivant, et qui, planant indestructible au milieu des ruines, s’analyse au lieu de se repentir. Je hais cette faiblesse qui s’en prend toujours aux autres de sa propre impuissance, et qui ne voit pas que le mal n’est point dans ses alentours, mais qu’il est en elle. J’aurais deviné qu’Adolphe a été puni de son caractère par son caractère même, qu’il n’a suivi aucune route fixe, rempli aucune carrière utile, qu’il a consumé ses facultés sans autre direction que le caprice, sans autre force que l’irritation; j’aurais, dis-je, deviné tout cela, quand vous ne m’auriez pas communiqué sur sa destinée de nouveaux détails, dont j’ignore encore si je ferai quelque usage. Les circonstances sont bien peu de chose, le caractère est tout; c’est en vain qu’on brise avec les objets et les êtres extérieurs; on ne saurait briser avec soi-même. On change de situation, mais on transporte dans chacune le tourment dont on espérait se délivrer; et comme on ne se corrige pas en se déplaçant, l’on se trouve seulement avoir ajouté des remords aux regrets et des fautes aux souffrances.
Copyright © | Benjamin Constant, 1816 |
---|---|
By the same author | There are no more works at Badosa.com |
Date of publication | June 2000 |
Collection | Worldwide Classics |
Permalink | https://badosa.com/n081-b2 |
I have just completed the small but fascinating book Adolphe by Benjamin Constant. It was so entertaining and insightful. I am now reading The Red Notebook. Both are printed together in a Signet Classics volume, published in 1959. I found this book while browsing through a bookcase at my cottage. I have no idea how the book got there; maybe it was left by a guest. It has obviously been there for some time judging by its appearance. But I can never bring myself to throwing out a book and in this case am very glad I didn't. I truly am enjoying this writer which is why I Googled him and am now writing this e-mail.
Hola, he leído a Benjamín Constant (Adolfo), me parece un ser increíblemente excepcional. Me encanta su forma de narrar, su simplicidad, su honestidad al expresar, sencillamente maravilloso. Me gustaría poder leer Céline, pero no sé cómo ubicar esa novela. Gracias por la página.
Convindria incloure La llibertat dels antics comparada amb els moderns de Constant a la seva entrada. Felicitats per Badosa.com.
Besides sending your opinion about this work, you can add a photo (or more than one) to this page in three simple steps:
Find a photo related with this text at Flickr and, there, add the following tag: (machine tag)
To tag photos you must be a member of Flickr (don’t worry, the basic service is free).
Choose photos taken by yourself or from The Commons. You may need special privileges to tag photos if they are not your own. If the photo wasn’t taken by you and it is not from The Commons, please ask permission to the author or check that the license authorizes this use.
Once tagged, check that the new tag is publicly available (it may take some minutes) clicking the following link till your photo is shown: show photos
Even though Badosa.com does not display the identity of the person who added a photo, this action is not anonymous (tags are linked to the user who added them at Flickr). Badosa.com reserves the right to remove inappropriate photos. If you find a photo that does not really illustrate the work or whose license does not allow its use, let us know.
If you added a photo (for example, testing this service) that is not really related with this work, you can remove it deleting the machine tag at Flickr (step 1). Verify that the removal is already public (step 2) and then press the button at step 3 to update this page.
Badosa.com shows 10 photos per work maximum.